Chaire UNESCO Ressources éducatives libres : une autre vision de l’éducation… et du monde

En 2017, l’UNESCO attribuait à l’Université de Nantes une chaire d’enseignement et de recherche dédiée aux ressources éducatives libres. Début 2021, cette chaire a été renouvelée sous l’étiquetage ressources éducatives libres ET intelligence artificielle. Colin de la Higuera est à l’origine et en charge de cette chaire. Enseignant chercheur en informatique à l’Université de Nantes et au Laboratoire des sciences du numérique de Nantes, il s’intéresse depuis une dizaine d’années à l’éducation ouverte, thème qui sous-tend une autre vision de la transmission des savoirs.

Que signifie l’obtention d’une chaire pour une université comme celle de Nantes ?

L’UNESCO est l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture… Obtenir une telle chaire est avant tout un label, un signe de reconnaissance. Cela ouvre des portes, tant pour aller chercher des financements que pour travailler en réseau, à l’échelle internationale. Vous commencez par différents projets et petit à petit, l’Unesco vient vous chercher sur d’autres questions, parfois un peu plus éloignées de votre expertise mais sur lesquelles vous avez capacité à mobiliser les bons interlocuteurs. Une chaire contribue assez naturellement à rendre visible ce qui est fait sur le site nantais et renforce la portée de ses travaux.

La chaire attribuée par l’UNESCO promeut les ressources éducatives libres (REL).  Cette vision ne remet-elle pas en cause la conception traditionnelle de l’enseignement ?

Effectivement, les REL modifient complètement le modèle. Disons qu’il y a deux conceptions de l’enseignement… Soit les connaissances sont transmises à un public limité et identifié, soit elles sont diffusées au plus grand nombre. Dans le premier cas, on pourrait dire que le savoir part sur une petite route de campagne, c’est l’ancien monde. Dans le second cas, il part sur un échangeur, les cours sont transmis par les uns, modifiés et approfondis par d’autres, avant d’être à nouveau remis en circulation. C’est un facteur de développement reconnu par l’UNESCO et les Nations unies. C’est le monde de demain, celui que nous construisons et qui nous permet notamment d’établir des partenariats avec d’autres établissements. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, lors de la constitution d’EUniWell *, l’un des premiers textes proposé aux 7 universités partenaires, portait sur l’éducation ouverte.

Mettre les savoirs à disposition est une chose. Mais ensuite, comment s’assurer qu’ils sont librement accessibles ?

Nous avons effectivement besoin de mettre en place un écosystème propice à la diffusion des ressources éducatives.

Sur le plan technique par exemple, les freins sont réels et paradoxalement, ils sont liés à la numérisation des contenus… Un mot de passe pour accéder à un serveur ou un dispositif pour sécuriser nos systèmes d’informations, sont autant de freins au repérage des REL par les moteurs de recherche.

Le transfert de la connaissance peut aussi être compromis par des questions légales, liées notamment au copyright. Sur ce point, l’idée, c’est d’avancer avec des arguments légaux comme les licences creative commons. Selon l’option retenue, un auteur peut ainsi donner accès à sa production, moyennant le respect de certaines conditions : citer son nom ou restreindre l’usage à une utilisation non commerciale par exemple.

Freins techniques, freins légaux : sur ces aspects, nous travaillons avec les Pouvoirs publics, le ministère de l’Enseignement et de la Recherche et surtout, le ministère de l’Education nationale.

Vous travaillez également sur l’intelligence artificielle (IA). En quoi peut –elle faire progresser l’accès aux ressources ?

L’IA permet une analyse en profondeur des ressources éducatives. Grâce à elle, on peut par exemple développer un système de recommandations. C’est-à-dire qu’en fonction de ce que vous aurez consulté, des modules supplémentaires de formation vous seront spontanément proposés. On peut même imaginer que l’IA pourra évaluer votre niveau de compétences pour ajuster ses recommandations.

Mieux encore ! L’IA pourrait aller jusqu’à proposer une offre de formation complète, en réponse à une requête de type : ‘’comment devenir physicien nucléaire cinq ans’’. En s’appuyant sur les mécanismes similaires à ceux des réseaux sociaux, ce serait une façon d’utiliser son temps de cerveau disponible pour apprendre et se former tout au long de la vie.

Aujourd’hui déjà et demain encore plus, nous allons retrouver de l’IA partout, y compris dans l’éducation. Cela ne pose-t-il pas la question de la finalité de certains apprentissages ?

C’est effectivement un enjeu posé par IA d’une manière générale. Pour ce qui concerne l’éducation à l’IA, nous travaillons en lien avec le ministère de l’Education nationale. Nous avons des projets de formation des enseignants de langues et de sciences, au niveau des lycées dans un premier temps. C’est un travail de longue haleine, mais les choses bougent déjà.

Être porteur d’une chaire UNESCO procure à l’Université de Nantes une réelle visibilité, en France et à l’international. Avec elle, c’est tout le site nantais qui voit sa crédibilité renforcée, notamment sur le terrain de l’innovation pédagogique, avec toujours le même objectif : approfondir encore la recherche et développer de nouvelles méthodes et outils d’enseignement, pour une éducation de qualité accessible au plus grand nombre. C’est d’ailleurs à Nantes qu’en mai prochain se tiendra le congrès Open Education Global, en lien avec l’UNESCO et la chaire sur les ressources éducatives libres.

* EUniWell, université européenne du bien-être créée par un consortium de 7 universités européennes, dont le site nantais.